Paul Kawczak, Pour 2 pacs
Le programme d’artiste assigné à résidence est une initiative qui prend forme sur un an. Pendant ces douze mois, un artiste est invité à créer autour de notre thématique pour réaliser des objets dérivés, commentaires, critiques, solos de claquettes, moyens métrages, documents de fiction, séances de tarot, cuisine expérimentale, pages wiki, street art, performances, jeux vidéo ou tout autre complément prenant diverses formes. Cette résidence permet d’offrir le rayonnement et le soutien nécessaire pour qu’une pratique dite post-atelier puisse être partagée. Ainsi, l’artiste assigné à résidence n’est pas prédestiné à un lieu de production, mais plutôt à un soutien et à une diffusion tout au long de ladite résidence, mais sans être pour autant cloisonné à un lieu précis. Cette année, Folie/Culture accueillera lors de ce programme l’artiste Paul Kawczak.
« Assigné à résidence » est un terme utilisé en droit pour qualifier une personne devant demeurer en résidence sous surveillance, une peine accablant non pas uniquement les condamnés, mais bien tout un pan d’individus de la société coincés dans leur chez-eux pour des raisons économiques ou de santé mentale. Quant au terme « résidence », il revêt en art un apparat plus positif que son allusion susmentionnée. Célébrée, la résidence d’artiste est souvent le sommet du nec plus ultra de la carrière en art. C’est la raison pour laquelle l’artiste, se voyant assigné à sa résidence par ce nouveau programme, peut profiter de ce temps pour créer et faire part de ses œuvres, de ses projets, tout en mettant en cause l’isolement qu’implique d’être assigné à résidence.
De fait, l’assignation à résidence, si elle promet un moment de retrait, infère son lot d’isolement. Être artiste assigné à résidence est une joie et une peine à purger pendant un an durant lequel l’artiste – conjointement avec Folie/Culture – est amené à réaliser des projets où bon lui semble, comme bon lui semble. Cette terrifiante liberté n’est pas sans corvée puisque l’artiste doit présenter et diffuser son travail sous l’œil averti du gardien de sa résidence : Folie/Culture et le sujet de notre thématique.
Blogue de Paul Kawczak
Moi, Paul Kawczak [kavzak], je dis : Franchement, la phrase de Filliou, « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art », elle est pas conne. L’art, la création comme finalité… Ce que j’en pense ? Bêtises ! Inepties ! Haha ! Laissez-moi rire ! Mais, mon pauvre Monsieur ! Ça implique de se figer tout ça ! De viser une belle image, un beau statut d’artiste pour l’obtention duquel on doit prendre la pose, bien comme on l’a appris sur les images, pour vivre un beau moment parfait ! Mais non, ma pauvre Madame ! Ça ne fonctionne pas comme ça. Non ! Moi, Paul Kawczak, je dis comme Filliou : on est pas là pour s’emmerder, on est là pour laisser couler, comme la merde coule du cul, ni plus ni moins, dans un beau petit moment érotique. Alors là, on a l’impression de vivre un film. Alors là, c’est bonnard le cul dans la soie douce ! Ma démarche, c’est tout con : c’est de bien manger et de récupérer la merde qui coule du cul. La merde, c’est la nourriture des fleurs. Et les fleurs, c’est beau. Manger, c’est large. Manger, c’est absorber des choses du monde et les digérer pour vivre un peu plus longtemps. Lire, ça peut être manger par exemple. Voir, regarder, entendre, écouter… c’est aussi manger. Lécher une vulve, c’est également manger, vivre un peu plus longtemps. Et aller au cinéma, c’est aller à l’Église, une chose aussi vieille que la caverne de Platon. Est-ce que je fais ça bien, moi, Paul Kawczak, manger et créer et vivre un peu plus longtemps ? Du mieux que je peux, Monsieur ! Et avec ce que j’ai, Madame ! J’y mets mon cœur, j’ai des visions… Alors voilà : la sincérité d’abord ; le truc que l’on cache et qui est plus intéressant que ce que l’on montre, et positivement inutile. Du luxe en somme. Quelque chose d’enfantin. Un privilège. Un coup de fusil. Un singe qui pète. Le deuil et le besoin des autres.
Paul Kawczak [kavzak] a quitté son continent et son pays pour mettre cinq mille kilomètres d’eau entre lui et son passé. Mais, voilà, les fantômes s’en battent le steak de l’eau. Ils l’ont tranquillement rejoint au Canada. Et maintenant, qu’est-ce qu’il fait Paul Kawczak ? Eh bien, il a bien l’air con, il essaie de bâtir sa vie comme il peut. Comme il hait foncièrement travailler, il essaie de faire des choses qui au moins l’intéressent pour gagner sa vie. Car, oui, il faut gagner sa vie. Il est pas héritier, Paul Kawczak. Il est pas rentier. Alors, il fait de l’édition à La Peuplade, Paul Kawczak. Les gens de La Peuplade sont gentils avec lui. Ils le respectent. Il apprécie ça. Aussi, Paul Kawczak, il fait de la création. Il écrit des livres. Il en a écrit deux (L’extincteur adoptif, Moult Éditions (2015) et Un long soir, La Peuplade (2017)). Il prévoit un roman pour 2020, Ténèbre (oui, Ténèbre pas de -s ; il trouve que ça fait mystique). Il a aussi tenté une carrière de chanteur underraté (comme underrated, mais raté) ; ça a pas vraiment marché, mais l’énergie spirituelle était là et forte (https://paulkawczak.bandcamp.com/). Il a fait du dessin et il s’y remettra un jour. Depuis quelques temps, il commence à faire de la performance, des sortes de vraies fausses conférences, de moments de partage et de parole dans tous les sens. Aussi, il flirte avec l’autre côté de l’art, celui de la parole, de la théorie — il a un doctorat en lettres le mec — , il enseigne un peu à l’Université du Québec à Chicoutimi, à la fois en art et en lettres, il écrit des trucs sur l’art et la littérature dans diverses revues (Spirale, LQ, Nuit blanche, Zone occupée). Il a le cul entre deux chaises, Paul Kawczak. Ça c’est clair.